Descendre la côte jusqu’à nous

Par Chloë Rolland

 

 

Il est minuit un soir mouillé d’après la pluie, je reviens d’un souper en voiture et j’ai l’envie des trottoirs. Appareil en main, tuque et hoodie, je m’élance comme une ombre parmi les ombres et clique souvent. Le trottoir défile, me guide, m’empêche de faire faux pas sans que j’aie à y porter attention. C’est la brume dans les arbres, le halo des lumières qui me tiennent toute alerte. Mon appareil indique déjà qu’il manque de batterie, mais la nuit est trop belle pour faire marche arrière et j’ai le pressentiment que le low battery me suffira jusque-là. En bas de la côte De Lorimier, je suis la silhouette fantomatique de la prison Parthenais et descend jusqu’à Notre-Dame. Elles sont là, nos empreintes, laissées dans le béton frais de quelques carrés de trottoirs refaits il y a bien 10 ans. Ma main, ta main, une étoile que tu avais dessinée, imprimées là jusqu’à maintenant, jusqu’à ce retour sur les lieux du petit délit qui marque depuis ma relation aux trottoirs. Quelque part sous les pas d’inconnus, lorsque leurs yeux se fatiguent du port magnifique qui me happe ensuite et que leur regard se pose au sol, il y a une plaie dans le béton et peut-être des questions en suspens, quelque chose comme une intrigue.