Par André Carpentier
Habiter un quartier, comme ensemble s’organisant en petit monde, on sait ce que c’est. Avoir gîte et couvert dans un secteur d’habitation, en utiliser les ressources, y faire ses courses, saluer les voisins, y retourner tous les soirs… En somme, y être une petite fraction dans le grand tout des autres.
Mais sentir son appartenance à un quartier, comme lieu privilégié du « vivre ensemble », ça me paraît autre chose… Sentir une affiliation personnelle avec le secteur, ses habitants, leur manière de vivre ensemble. Y être soi parmi les autres et solidaire des autres. En somme, s’y reconnaître parmi eux… Car dans l’appartenance, il y a les autres, et moi qui compte pour la moitié dans cette relation.
Vu ainsi, je dois constater que je ne suis plus de Rosemont, où j’ai écoulé ma jeunesse, que dans le souvenir d’une appartenance qui, certes, ne me quitte pas, mais qui n’est plus agissante dans mon quotidien. Je serais peut-être un peu plus Ahuntsicois que je ne le crois. Mais à condition de réduire Ahuntsic au secteur qui est le mien. Un secteur qui va de Papineau (à l’est) à Meilleur (à l’ouest), de la rivière des Prairies (au nord) jusqu’à la voie ferrée (au sud). La voie ferrée qui longe la rue Port-Royal et qui agit comme frontière entre la zone d’habitation et celle des manufactures, qu’on appelle le quartier Chabanel.
C’est là, dans ce rectangle irrégulier, que j’ai mes habitudes. Là que je fais mes achats d’épicerie, de pharmacie, de boulangerie, de fleurs, là que sont la vétérinaire, le lunetier, le cordonnier, le réparateur de vélos, la boutique de cartes et de babioles… J’y ai quelques restos, des cafés, un salon de thé, des parcs, des dépanneurs, quelques ruelles, ma Caisse Pop, ma station de métro… J’aime y retrouver la fraîcheur de la rivière quand, l’été, je reviens du Centre-Ville, et quantité de grands arbres quand je rentre de Paris ou de Mumbai. J’y marche volontiers et y fais du vélo, surtout le long de la rivière.
Voilà donc mon territoire pour ce Retour du flâneur. Un territoire de la superficie de quelques paroisses à peine. Plus grand, c’est trop pour mon quotidien. Plus grand, ça demande de voyager.