Silence

Par Benoit Bordeleau

 

 

Quand on sort en douce du parc des Pompiers, qu’on a pris une grande bouffée de parfums et de rosée, le parc des Faubourgs, malgré la rue Ontario, se donne comme une grande étendue de silence. Les automobilistes ont beau klaxonner et les sirènes crier, le parc se donne d’abord au regard. Les naufragés des bancs publics, dans ce silence plus ancré dans ma peau que dans le décor, perdent leur mine tremblotante et l’échangent contre un sommeil paisible, casquette de cuir sur le visage.

Puis il y a le silence, quand on marche sur le tapis de trèfles blancs, se densifie. Il ne faudrait pas le qualifier d’oppressant, c’est un silence tranquille qui demande à boire le thé avec vous, et pourquoi pas avec ces autres promeneurs accompagnés de leurs chiens, et ensuite ces deux ou trois messieurs solitaires qui ruminent leurs solitudes parallèles comme de vieux péchés. Cette qualité de l’atmosphère, bien qu’éphémère – il vous faudra sortir du parc un jour – se pose peut-être comme condition et résultat de votre disponibilité du moment.

Il vous faudra y aller de ruse, maintenir cette tension entre les arbres, les bancs et les fleurs oscillant paresseusement dans le vent, par cette manière de marche qui vous permet de saisir au vol un regard ou deux. Et si le hasard se pose sur le chemin qu’est le vôtre, il est possible d’attraper un rêve qui flotte autour de cette fille grattant une guitare ou de ce gars, lisant un livre usé entre de Lorimier et la tranquillité du parc. Votre regard se perd dans la tendreté et la diversité des verts, vos doigts se laissent chatouiller par la douceur du vent et c’est soudain le goût du trèfle qui vous habite.