Place des Chicots – Rivière Saint-Charles

Par Nicolas Lanouette

 

 

Arbres morts – Place des Chicots – rivière Saint-Charles

Le long de la rivière Saint-Charles, à la place des Chicots, on a replanté des arbres morts, des troncs rachitiques afin qu’ils puissent servir de lieu de nidification et de refuge pour les oiseaux et les insectes. Une manière de recréer le patient travail de la nature.

Il faut dire que la rivière Saint-Charles a été passablement défigurée au fil du temps. Au XIXe siècle, ses rives étaient occupées par plusieurs chantiers navals. Entre 1860 et 1875, les chantiers navals fermèrent les uns après les autres. Ils furent remplacés par diverses usines de pâtes et papiers, de caoutchouc, de gaz, de chaussures, de fourrures, de teinturerie, de colle domestique, etc. À leur tour, ces usines fermèrent graduellement à partir du milieu du XXe siècle. Après plus de cent ans d’occupation, les chantiers navals et les usines avaient laissé la rivière dans un état lamentable. Sans compter que ses rives servirent aussi de dépotoir. On y déposait les déchets à marée basse, tandis que la marée haute se chargeait de les faire « disparaître » au loin.

Lors d’une vague aménagiste dans les années 1950, on canalisa les ruisseaux Lairet et Saint-Michel qui se jetaient dans la rivière Saint-Charles. On redressa la rivière en coupant un méandre. Désormais mort et tout à fait inutile aux yeux de ces aménagistes, il sera enterré sous une autoroute.

Au début des années 1970, on eu une autre bonne idée, soit de bétonner les rives de la rivière sur près de six kilomètres. Les élus de l’époque se félicitèrent d’être dans le vent et trouvèrent leur projet fort bon.

Vers 1994, de nouvelles modes urbanistiques étaient dans l’air, le béton n’avait plus la cote. On commença alors à renaturaliser les rives de la rivière. On retira le carcan de béton qui tuait littéralement la rivière. Elle n’était plus oxygénée, les derniers poissons s’étaient suicidés et l’eau n’invitait pas à la baignade. On mit ainsi plus d’une dizaine d’années à retirer ce béton et à tenter de récréer une nature, un peu artificielle il est vrai.

C’est un peu ce que je ressens dans ce petit « théâtre » de la place des Chicots, le long de la rivière Saint-Charles, une nature artificielle avec pour arrière-plan les « gratte-ciel » de Québec. Sur l’autre rive persiste la marina, vestige des anciens aménagements bétonnés. Au loin, le réservoir d’eau Craven’A, témoin de l’ère industrielle de Québec.

Toutefois, je me pose une question : que doit-on observer, les chicots d’arbres morts ou la Haute-ville de Québec ?

Je m’en retourne chez moi, quand soudain je suis interrompu par un monsieur qui, voyant mon appareil photo, me dit : « Regarde là, il y a des outardes. Il y en a trois ». Sur ces mots, il prend son vélo et il s’en va. Poursuivant son chemin, il donnera l’information à d’autres passants. Il m’a fait penser à ces messagers des guerres antiques, le vélo remplaçant le cheval, dont les tâches étaient de porter au loin les messages de victoire ou de défaite. Lui, il portait un message de grande victoire.

C’est peut-être ça, le petit miracle de la Place des Chicots, faire de la vraie nature à partir d’une fausse nature…