Par Émilie Allaire
Ayant prêté ma caméra à un voyageur en partance pour Yellowknife, je me rends au parc Jarry comme tous les dimanches pour la game de baseball hebdomadaire. Je ne prendrai pas de photo, mais mes yeux sont tout de même grand ouverts. C’est du sérieux le parc Jarry le dimanche. Les équipes ont des noms farfelus, mais en gros, le marché Jean-Talon se divise en deux pour l’occasion : les pros Première Moisson d’un côté (et bien sûr, je vote pour mon équipe !) et les pros Saucissier Williams de l’autre.
Baseball, c’est un grand mot. On pourrait plutôt parler de balle molle. Vous savez, ce sport qui ressemble au baseball, mais où tout va plus lentement et surtout, où on lance la balle par en dessous. Pour la débutante que je suis, c’est idéal, j’ai l’impression d’être bonne !
Entre le troisième but et le marbre, sur le côté du terrain, il y a les estrades. Sur les estrades, des caisses et des caisses de bières, et derrière les estrades, le poste de police de quartier de Villeray. Ces policiers-là, ils sont compréhensifs, ils ne viennent nous voir que si l’illégalité dépasse vingt-trois heures, ou dépasse le stade de la bière… Et aussi, dans les estrades, à travers les caisses de bières, il y a les meilleurs fans du parc, ceux qui travaillent au marché. Ils sont là pour encourager leurs équipes. Ils ne manquent pas une fausse balle, pas un retrait. Heureusement d’ailleurs. Parce que les joueurs n’y portent pas assez attention, tout à leur performance. Ainsi, dans l’estrade se retrouvent femmes de joueurs, mères de famille, grand-mamans, passant, enfants, bébés, philosophes, anciens joueurs, joueurs blessés et autres imposteurs du moment. C’est à qui se trouvera la meilleure raison pour ne pas jouer. Pas de soucis, les deux équipes sont toujours bien remplies.
Après quelques bières et quelques cigarettes (quels sportifs !), les joueurs se placent sur le terrain et ainsi s’enchaîne une série de cinq à sept manches où « laisser une chance » et « bénéfice du doute » sont rois. Les parties sont presque toujours nulles et on se félicite tous les uns les autres, même Francisco, le Dominicain qui a joué dans une ligue professionnelle pendant des années avant d’immigrer au Québec et de devenir quidam derrière son tablier Première Moisson. Même la fille aux yeux étincelants qu’on ne s’est pas rendu compte qu’elle n’a pas joué du tout finalement, mais qui est si jolie. Et on prend une autre bière et quelques autres. Et la police de quartier, qui passe pour la troisième fois devant le terrain, est toujours aussi compréhensive.
Après quelques autres bières, nous sentons tous les vingt-trois heures approcher. C’est à qui invitera le groupe pour d’autres bières chez lui ou chez elle. Main dans la main, nous partons pour une destination proche, heureux, courbaturés pour certains, et en se promettant surtout de revenir la semaine suivante.