Question d’habitudes

Par Benoit Bordeleau

 

C’est bête. Parce que j’ai déménagé, mon dépanneur est disparu. Le fameux Dépanneur 24h Depanneur, coin Ontario et St-Germain, mon dépanneur, est disparu. Sammy, le caissier, y est toujours, la bâtisse aussi, mais ce que j’y avais d’habitude s’est volatilisé quand j’ai mis mon appartement en boîtes et que je me voyais déjà ailleurs, quinze minutes plus à l’Est, à pied(s). D’ailleurs, on croit que ce n’est pas loin, à quinze minutes d’un futur-ex-chez-soi…

La dernière scène à laquelle j’ai assisté, au Dépanneur 24h Depanneur – lieu où la « Wow! qualité » donne le prix d’excellence à toutes les bières (Moosehead, wow! Bleue, wow! Molson, wow! Heineken, wow qualité!, etc.), 14.99$ le twelve pack – la dernière scène, c’était un couple en boisson faisant une danse à gogo au rythme du tintement de la clochette de la porte. Sammy, sortant probablement tout juste de sa douche, se frottait les yeux en tétant un café tiède du Tim Hortons. Quand je lui ai dit qu’il avait une belle soirée en perspective, il m’a répondu par un « Oui, oui. Hé, hé » très posé. Les deux hurlus, entre temps, s’étaient éclipsés. J’ai payé la pinte de lait et le pain que j’étais venu chercher. Sammy n’a pas demandé si je voulais un sac. Je lui aurais répondu que je suis juste à côté, que ça ne vaut pas la peine. Avant de pousser la porte, je lui ai souhaité une bonne nuit.

Je ne suis pas retourné au Dépanneur 24h Depanneur depuis cette fois-là. D’une part, un dépanneur à 15 minutes de chez soi, c’est peu pratique, mais y remettre les pieds serait y retourner en tant que gars qui n’est plus « à côté ». Maintenant, au coin d’Adam et Jeanne d’Arc, j’ai le choix entre le dépanneur de la dame chinoise, où un type rougeaud qui veut toujours se battre avec un client dont il n’aime pas la gueule, ou bien encore le Dépanneur Kébec, qui m’est apparu comme le juste milieu entre un chalet et un restaurant Subway… Un peu plus au nord, il y a le Dépanneur Gisèle et Claude (je n’y ai pas encore mis les pieds, mais j’ai rencontré le livreur, Jean-Marc, qui reste au rez-de-chaussée). D’ailleurs, il m’a remis un autocollant avec l’adresse et le numéro de téléphone de son dépanneur, au cas où j’aurais besoin de quelque chose…

À suivre.