Jardins secrets de l’ordinaire – VIII

Par Yves Lacroix

 

Obligé ailleurs par le décès d’un ami cher, je n’ai pas pu me présenter à la conférence de Jean-Claude sur l’île Maurice et les échéances sont telles que je ne solliciterai pas une entrevue de lui.  Ce sera, Jean-Claude, sous d’autres auspices, moins documentaires, que je te retrouverai.  C’est le numéro 372 ( février 2010 ) de la rue GEO qui me dépannera aujourd’hui — au 73-75 de la rue La Condamine, dans le quartier des Batignolles à Paris, je ne résiste pas.

Et je découvre que Maurice est une île de l’archipel des Mascareignes dans l’océan Indien.  Au nord-est de La Réunion.  La capitale en est Port-Louis, dénommée d’après Louis XV, le souverain de l’époque, ou d’après Port-Louis, citadelle du Morbihan en face de l’île de Groix, dénommée d’après Louis XIII.  Les historiens en disputent.  Mais Je ne résiste pas.

L’île a été découverte par les Portugais en 1505.  Le vice-amiral hollandais Wybrant Warwijc en a pris possession en 1698 au nom du lieutenant-général Mauritius Van Nassau dont l’île prendra le nom.  Les Français s’y installent en 1715, qui la baptisent « Ile de France ».  Les Anglais s’en emparent en 1810 et s’en font confirmer la possession en 1814.  « Un traité stipule que les habitants peuvent conserver leurs propriétés, coutumes et religion. »  Les premiers travailleurs de la canne à sucre arrivent de l’Inde en 1834, pendant un siècle il en débarquera plus de 450 000.  L’île Mauritius est une colonie anglaise jusqu’en 1946, quand elle devient départementale.   Indépendante en 1968, elle est une république au sein du Commonwealth depuis 1992.

Le climat en est tropical, tempéré par les influences océaniques.  Mark Twain aurait écrit que c’est l’île Maurice « qui a servi de modèle pour la création du paradis ».  Propos de touriste.  Peut-être.  C’est autre chose de fréquenter « le pays derrière la plage ».

Les lieux sont chargés de mémoire, à faire rêver : Cap-Malheureux, Coin-de-Mire, Poudre-d’Or, Riche-en-Eau, Trou-aux-Biches, Trou-d’Eau-Douce, Mont-Désert, Curepipe, Les-Trois-Mamelles.  Quand une ville porte le nom de Rose Hill, ai-je lu, on le prononce « Rozil » à la française.  Je ne résiste pas.

« C’est un petit univers où tout le monde se connaît », affirme Dick Li Wan Po.  Pourtant, si la population de l’île est en majorité d’origine indienne, s’y trouvent des gens d’ascendances française, britannique, chinoise, africaine.  On s’y nomme encore Christèle de Spéville, Francis Clifford, Hossen Kadel, Dick Li Wan Po, Priciany Narrainen.  L’anglais est la langue usuelle de l’enseignement, le français la langue du quotidien, chaque groupe éthique parle sa langue mais le créole, « ce “ patois ” un peu méprisé est devenu  l’indispensale instrument de naturalisation et d’appartenance de la population mauricienne ».

Il existe une culture mauricienne, créole, mais les cultures et les religions restent distinctes.  On n’épouse pas une personne d’une ethnie différente.  Il est difficile d’expliquer ce qu’est être mauricien.  « Reste à dépasser les clivages ethniques pour imaginer une nation ».

Un jeune pêcheur prénommé Francis témoigne qu’« il a vu partir la moitié de ses anciens camarades du lycée ( “ les filles en France, les gars au Canada ” ) ».  J’imagine à Patrick Soo une démarche identitaire, installé au Québec pour isoler sa singularité, la désigner, loin du multi-culturalisme mauricien.  On peut toujours rêver.