Point de fuite

Par Myriam Marcil-Bergeron

 

Les dalles monochromes, les boutiques désaffectées et leurs vitrines tapissées de «Dormez Bien Plus» me rappellent le Carrefour Trois-Rivières-Ouest. Le temps où ma déambulation se laissait dicter par l’emplacement des quelques manèges dispersés dans le centre d’achat: voiture de course, coccinelle, vaisseau spatial. Non loin du cinéma de la Plaza, une fillette a pris d’assaut le Grand Schtroumph et lui fait subir un mauvais quart d’heure. Je retourne sous terre, me trouve un banc libre, ferme les yeux. Laisse le lieu surgir autrement. Ventilation, talons hauts, roulettes de panier d’épicerie, horloge qui sonne, indique peut-être le tempo d’un autre monde. Aboiements. Ligne téléphonique sur speaker. Ça fait déjà trois fois que je passe devant Accessoires Cuir Mondial, toujours cette odeur composite, entre pistolet à colle chaude, cuir et tissus synthétiques. 11h10, au Vegas Lounge Bar, il y a de la musique qu’on peut qualifier de lounge, j’imagine. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais goûter au Vegas, mes sens ont capté suffisamment de fréquences divergeant du réel auquel je suis habituée. Besoin de regagner la surface. Le vendeur de Mode Masculine fait les cent pas devant sa boutique, les mains jointes dans son dos. Il m’aperçoit dans l’escalateur, une pointe d’envie se devine dans ses yeux. Il me fixe jusqu’à ce que je disparaisse.