Si le flâneur parisien du 19e siècle avait ses passages, étudiés par Walter Benjamin, le flâneur contemporain en a quant à lui le penchant hypermoderne : les centres commerciaux et les grandes surfaces.
Tout d’abord, qu’entend-on par centre commercial ? Il faut y voir un rassemblement de commerces spécialisés offrant une diversité de produits et de services : mercerie, blanchisserie, parfumerie, confiserie, boutique de mode, bar, café, restaurant, cinéma, couturier, ainsi que tatoueur, perceur, disquaire, voyagiste, chausseur, bijoutier… On peut littéralement passer la journée dans ce microcosme, et ce, sans même en sortir. Les grandes surfaces sont quant à elles des magasins franchisés voués à la grande distribution, offrant une multitude de produits en libre service (on parle également de supermarchés, d’hypermarchés). Ainsi, à la monotonie architecturale des lieux et au gris des aires de stationnement qui environnent les centres commerciaux et les grandes surfaces s’opposent l’euphorie du magasinage et la célébration ininterrompue de la société marchande.
Les « paysages intérieurs » des grandes surfaces n’offrent plus le charme de ceux que le flâneur pouvait jadis admirer dans les passages parisiens : le culte est dorénavant tourné vers l’homogène, le fonctionnel, l’inépuisable. Là se trouve le paradoxe : malgré cette uniformisation généralisée, il n’en demeure pas moins que ces espaces célèbrent le règne de l’hétéroclite. Il y a une manière d’être au lieu et une pratique d’espace propre au centre commercial : quiconque s’en détourne devient nécessairement suspect. Les uns y ont pignon pour vendre, les autres y passent pour acheter. « Interdiction de flâner » est le mot d’ordre. Microcosme intégralement privé, il demeure accessible à tous : on peut facilement y passer la journée, sans en sortir. Le sensible y est également soumis à l’artificiel : l’audible, le visible, le tactile – tout y est programmé. Dans certains cas, on tente de reproduire un « centre-ville », un quartier commerçant, avec de fausses façades, des arbres en pot, des bancs, et de grands puits de lumière pour laisser pénétrer une parcelle, un simulacre de lumière « vraie »… Le centre commercial fonctionnerait-il donc sous le régime du faux ? Pratiques formatées, d’une part, et d’autre part abondance, diversité de la marchandise. Et la démarche du flâneur, au milieu de tout cela, en est le contrepoint, dans la mesure où il maintient l’équilibre entre sa capacité d’émerveillement et son sens critique.
1er mai 2012 au 31 août 2012
animateur : Kevin Cordeau.
Quelques oeuvres déambulatoires:
Un flâneur sur le retour, par Christian Lippinois
Préliminaires, par Carole-Anne Déry
Flâneurs, s’abstenir, par Jean-Claude Castelain
Du poids pour votre argent, par Myriam Marcil-Bergeron
Point de fuite, par Myriam Marcil-Bergeron
Plaza côte-des-Neiges, par André Carpentier
Certaines exceptions s’appliquent, par Benoit Bordeleau
Un(e) tour de Babel, par Philippe Archambault
C’est un départ… , par Denise Brassard
Välkommen!, par Kevin Cordeau