Coureurs de ruelles

Carnet de navigation no. 3. 

 

capture-decran-2016-10-19-a-11-46-55Marcher à l’estime.
En ruelles montréalaises, 26-27-28 août 2005 

Marcher est «la naturelle façon amoureuse de faire la connaissance des choses», écrit quelque part Jean Giono, qui en connaissait long sur la question. Or, voilà justement ce qui nous anime tout au long de cette fin de semaine, passée en groupuscules dans des ruelles montréalaises le plaisir primitif d’arpenter à l’estime les entrelacs d’un labyrinthe urbain, plaisir redoublé par des captations visuelles (photos et croquis), sonores et olfactives, un peu par le toucher, aussi par la cueillette d’artefacts, par des prises de notes en vue d’écrire et par des échanges suivis entre déambulateurs – ce qui ne m’est pas coutumier. En somme par le décryptage géopoétique du territoire et par la pensée du lien qui en ressort, et qui est son ressort. Car nul territoire n’existe en lui-même, ne vivant que par soi et que pour soi-même au milieu d’un groupuscule qui s’étire peut-être, mais qui ne se défait pas. Les territoires, surtout les espaces communautaires que nous faisons advenir – les ruelles sont de cette sorte -, sont nos extensions en ce sens, ils sont des langages que, par trop de routine, nous avons désappris à lire, à interpréter. Ainsi, le réseau des ruelles se profile pour nous comme espace vécu, comme espace pratiqué, comme réalité concrète à réenchanter, avec ses textures, ses tressages d’arêtes et sa densité toujours en mutation. sa carte muette. Espace composite et relationnel, résultat de strates historiques façonnées à coups d’improvisations et de relations humaines. Espace d’ombres et de lumière, lieux pleins ou vides, et pourtant tous agrégats de significations. Espace miné, qui travestit la laideur en beauté, le familier en objet d’inquiétude ou de fascination, quand ce n’est simultanément les deux. Dernier espace urbain, me dit jean Morisset, à conserver le pouvoir de transformer et de réincarner l’usage prescrit des aires publiques. Espace parcellaire, envers des façades, sorte d’hinterland – comme disent les géographes et les poètes, par souci de métaphore – convoqué comme objet pensable et interprétable. L’objectif de l’atelier est de prendre pied et raison – raison géopoétique, ça va sans dire sur le territoire des ruelles. Car notre avancée vers un nouvel art d’habiter la ville, voire la planète, exige de nouveaux envols de rêverie. Et il paraît censé de commencer par les lieux retranchés, découpés sur l’espace urbain. aussi bien traversés par des extraits de foules que frappés par des solitudes, qui renvoient donc à des usages variés, voire contradictoires…

Ce foisonnement sera notre bonheur… d’occasion.

André Carpentier

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