Au rythme des vents et marées

Carnet de navigation no. 1. 

capture-decran-2016-10-10-a-15-42-38Géopoétique… Voyage, exploration, évocation. Invitation à partir sur les chemins de la terre pour mieux courtiser la mer.

Ainsi, avons-nous décidé, dès la création de l’Atelier québécois de géopoétique, d’organiser des ateliers nomades, afin d’amorcer la Traversée qui constitue notre unique raison d’être. Notre but avoué étant de sortir des salles de cours, de l’univers des «belles-lettres» et des «seules idées» pour aller vers et dans la nature, il fallait donc partir de toute urgence. Et appareiller à la recherche de balises qui permettent de naviguer entre savoir scientifique et création littéraire, observation et expérience, raison et sentiments, lectures, architecture de l’espace et univers autochtone occulté. Nous voulions à la fois investir le paysage, humer l’odeur du large et débusquer la mémoire orale déposée sur le parchemin des saisons.

Comment débusquer alors le lieu propice aux premiers enseignements? Comment mettre le cap sur l’horizon de l’espoir, comment s’engager sur la piste qui réponde à la révélation anticipée en évitant de sombrer dans le mirage de l’errance où seule la promesse tient lieu d’espace géographique? Quoi de plus approprié alors que de partir à la rencontre d’un phare, d’une île, d’un fleuve: le Saint-Laurent, la Grande Rivière.., le «chemin qui marche» des premiers Canadiens!

Mais à peine y avions-nous réfléchi que I’Isle Verte allait s’offrir spontanément. À la fois «isle» et «isle-à-terres», comme disaient les Anciens des lieux où ils pouvaient cultiver la terre et courtiser la mer, mais qu’est-ce donc que l’Isle-Verte? Mince liséré de quelque 12 km «de bout en bout», ancré à une trentaine de kilomètres à l’est de Rivière-du­Loup et presque accosté à la rive sud du fleuve, mais faisant directement face à l’embouchure du fjord du Saguenay et de ses eaux profondes. Isle à deux visages, donc, un faciès sur le fleuve et les terres déforestées et domestiquées; et, un autre, plus sauvage et plus rocheux donnant sur une mer aux odeurs de golfe. Toute la réalité du pays concentré en une surface aussi réduite: pas de route asphaltée, pas de magasin, pas de banque, pas d’école et pas d’église, mais un horizon sans fin englobant tout cela et une seule municipalité appelée Notre-Dame-des-Sept-Douleurs -on se demande bien pourquoi! Quelques dizaines de résidents permanents en hiver, une mémoire incrustée dans la roche, enfouie sous la neige et les sapinages. Du côté mer, un phare, automatisé maintenant, pour indiquer aux voyageurs maritimes le lieu et le chenal, et les maisons du gardien et de l’assistant-gardien, ayant pour nouvelle fonction d’accueillir les promeneurs terrestres.

C’est ici, l’espace d’une fin de semaine, en mai 2004, que nous avons «ouvert» avant la lettre la saison touristique et jeté un premier regard sur la Terre-Québec. Vingt-sept rêveurs, dont quatre enfants, se sont présentés un vendredi après-midi au quai du village de la terre ferme pour entreprendre leur traversée, à marée haute, sur La Richardière, bateau menant à une isle laissant l’impression de flotter en plein fleuve!

Mélange de textes, d’images, de cartes, de photographies et de collages, les pages qui suivent sont le fruit heureux de cette trop brève expérience.

Que tous soient invités à les parcourir, s’arrêtant à loisir ici et là, si besoin est, pour mieux se laisser féconder par la patine d’un rêve et d’une mémoire d’où surgira un continent entier.

Eric Waddell et Jean Morisset
Québec/ Bellechasse, 1er mars 2005

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