Dans la quiétude inquiète des oasis…
La ville a ses déserts pour inventer ses oasis
Philippe Delerm
Paris l’instant
Pour plusieurs environnementalistes, la banlieue est une abomination pour de nombreuses raisons dont, entre autres, pour cette maladive voracité des promoteurs immobiliers qui y engloutissent sous des couches d’asphaltes, de gazons, de bungalows et de condominiums les espaces naturels et la campagne à une vitesse ahurissante, ne laissant que des espaces aseptisés et uniformes composés de bungalows construits à l’identique, où les forêts sont annihilées, les étangs, marais et terres humides sont asséchés et comblés de remplissage au grand déplaisir des grenouilles. À ce portrait s’ajoute le culte de l’automobile, indissociable de la banlieue qui apporte avec lui sont lot de routes, d’autoroutes et de centres commerciaux entourés de vastes stationnements vides qui viennent rayer de la carte les derniers espaces naturels situés en banlieue…
Sous cet angle, la banlieue peut donc être considérée comme un véritable désert urbain… Et pourtant, même au cœur des déserts les plus impitoyables fleurissent des oasis. En banlieue, ils prennent la forme de boisés oubliés, de marais entre deux eaux, de rivière rebelle et de falaises réfractaires à toutes constructions. Ces oasis deviennent alors, comme le souligne Luc Bureau, des « lieu[x] agréable[s] situé[s] dans un environnement agité ou hostile ; une oasis de paix, de civilisation, de fraîcheur, de liberté, de plaisir[1]. »
Cette déambulation vous propose donc un parcours autour de quelques lieux et oasis de verdure situés à l’ouest de la ville de Québec. Plus précisément dans les anciennes villes de Sainte-Foy et Cap-Rouge.
Au cours du trajet, vous sera proposée une série de lectures, prenant la forme d’une fable écologique, où nous irons à la rencontre des dernières forêts de chênes rouges et du dernier marais à scirpes dans les limites de la ville de Québec. Nous nous intéresserons à un mystérieux Max qui joue du couteau, à des vestiges de vergers aux amours perdues, à des fenêtres inédites sur le fleuve, ainsi qu’à quelques terrains vagues (les plus agréables) devenus maintenant de magnifiques forêts et parcs… Peut-être, aurons-nous la chance d’y être accompagnés par l’urubu à tête rouge, le grand pic, le martin-pêcheur ou le grand héron. Dans les parcs et boisés traversés, nous aurons l’occasion d’évoquer la mémoire de lieux, le passage du temps et la difficile cohabitation entre la ville et la nature.
Ce sera, pour nous, l’occasion de réfléchir, comme le souligne Wallace Stegner dans « Lettre pour le monde sauvage », sur le besoin pour l’humain de maintenir intacte des lieux naturels préservés pour que « ce pays sauvage [ces lieux] nous soit accessible, même si nous ne faisons jamais rien d’autre que de rouler jusqu’à sa bordure pour en contempler l’intérieur. Car ce peut être un moyen de nous rassurer quant à notre santé mentale, un élément d’une géographie de l’espoir. »[2]
Au plaisir de vous y voir nombreux…
Crédit photo: Nicolas Lanouette
Cap-Rouge, été 2016
[1] BUREAU, Luc (2015) Mots du corps et de la Terre. Québec, Les Éditions GID. p. 258.
[2] STEGNER, Wallace (2015). « Coda : lettre pour le monde sauvage ». Lettres pour le monde sauvage. Paris, Gallmeister. p. 188.